Accéder au contenu principal

Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d'hyperconsommation de Gilles Lipovetsky

"La révolution de la consommation a été elle-même révolutionnée."
C'est ainsi que Gilles Lipovetsky introduit sont ouvrage intitulé "Le bonheur paradoxal", un essai partant du constat qu'une nouvelle phase du capitalisme de consommation a émergé: la société d'hyperconsommation.

A travers cet ouvrage, Gilles Lipovetsky nous offre les clés afin d'appréhender l'évolution de notre rapport à la consommation, abreuvées de considérations économiques, sociologiques et philosophiques.
Qu'est ce que la société d'hyperconsommation?
"La société d'hyperconsommation coïncide avec un état de l'économie marqué par la centralité du consommateur" nous indique l'auteur.

Plusieurs phases sont énumérées dans l'histoire de la société de consommation:

1880/1945 illustre la période de mise en place du capitalisme de consommation et de développement de la production de masse (taylorisme/fordisme). Cette période voit naître le marketing de masse et le consommateur moderne.
La baisse des coûts de transports dynamisée par l'avénement des chemins de fer permet aux marchés nationaux de se constituer, cette extension engrange alors la production en grande quantité qui elle-même entraîne une baisse des coûts des produits de consommation.
L'apparition du commerce moderne (grands magasins) entraîne alors l'autonomie du consommateur, affranchis de l'intermédiaire, et s'appuyant sur le nom des produits, leur signature, plutôt que sur les conseils traditionnels du vendeur, permettant ainsi la naissance des marques.
En effet, l'invention de la consommation est consubstantielle de celle des marques, et donc de l'accès de l'objet au nom propre.

1950/1980 symbolise l'avénement de la consommation de masse.
La société de consommation de masse devient alors un projet politique comme la promesse d'un bonheur à la porté de tout un chacun grâce à la démocratisation des biens de confort domestique jusqu'alors réservés aux élites.
La consommation est alors un moyen d'affirmation de sa classe sociale.
"(...) la grande distribution a rendu possible des pratiques et un imaginaire de liberté individuelle, un univers d'achat marqué par le principe de libre disposition de soi, elle n'a pas seulement fonctionné comme un agent de démocratisation de la consommation, elle a contribué, à son niveau, à l'individualisation des pratiques d'achat, des goûts et des exigences."

1980/2008 (l'ouvrage date de 2008) 
"La sensibilité aux pris de l'hyperconsommateur traduit moins l'esprit d'économie et le replis sur les biens de première nécessité que l'extraordinaire poussée de la demande de biens superflus." Cette période invente un nouveau modèle de consommation basé sur l'émotion.
Axée sur le plaisir narcissique et la quête de sens, la nouvelle société de consommation érige l'immatériel comme aboutissement de l'hyperindividualisation.
La consommation se singularise par toujours plus d'individualisme et de quête de présent vécu intensément, moins axée sur une consommation familiale et davantage sur une consommation pour soi. L'utilisation des biens de consommation est désinchronisée, n'est plus corrélée à l'usage familiale ou statutaire.
Le système de consommation de masse cède le pas à une logique de prolifération de la variété.
La consommation de loisirs et bien apparentés érode la consommation d'équipement (utilitaire), les publicitaires de fait valorisent les valeurs subjectives véhiculées par la marque/le produit au détriment de ses avantages fonctionnels.
"Moins il y a de valeur statutaire dans la consommation, plus s'accroît le pouvoir d'orientation de la valeur immatérielle des marques."
A travers les biens immatériels, la société d'hyperconsommation construit une relation de connivence basée sur un système de valeurs partagé, afin de créer une proximité émotionnelle.
La course à la nouveauté succède à la logique de standardisation, les gains de productivité ne suffisent plus, les lancements de nouveaux produits s'imposent comme la stratégie permettant d'élaborer un avantage compétitif et d'impulser une nouvelle croissance des ventes.
Le facteur temps est devenu déterminant, imposant le concept de "chrono-concurrence".

L'auteur interroge ensuite la notion de bonheur en tant que corrélation de la société de consommation, à travers une étude de l'impact de la consommation sur les existences.
La consommation, désormais indissociable de la notion de désir (et non plus de besoin comme sur la phase 2), implique de fait le sentiment de déception. 
"La société d'hyperconsommation est celle où les insatisfactions croissent plus vite que les offres de bonheur. On consomme plus mais on vit moins; plus se déchaînent les appétits d'acquisition et plus se creusent les dissatisfactions individuelles."
Et d'ajouter que le consommateur ne cherche pas la satisfaction des biens de confort mais davantage à éviter les inconvénients inhérents à leur absence.

La société d'hyperconsommation est dichotomique et contradictoire. Elle fait l'apologie des référentiels du mieux-être et exalte les tendances du "consommer mieux"; et pourtant elle propage la boulimie consommatoire, amplifiant inégalités et sous-consommation. 
En effet, l'omniprésence du confort matériel met en exergue la "psychologisation de la pauvreté". En d'autre termes, elle renforce les disparités perçues et vécues.
Ce qui induit que le consommateur s'affirme en tant qu'être à travers sa consommation, et y trouve une réponse, qu'en bien même éphémère, au rapport de soi à l'autre, à sa valorisation et à son besoin de reconnaissance.
En réponse à l'incomplétude, la consommation offre un refuge, un "temps pour soi", une satisfaction compensatoire.
"La civilisation de l'hypermarchandise a moins crée l'aliénation aux choses qu'elle n'a accentué les désirs d'être soi, la division de soi à soi et de soi à l'autre, la difficulté d'exister comme être-sujet."


Le bonheur paradoxal de Gilles Lipovetsky



Articles complémentaires:
http://www.alternatives-economiques.fr/bonheur-paradoxal-societe-dhyperconsommation/00033206

http://esprit-riche.com/esprit-riche-a-lu-le-bonheur-paradoxal/

http://www.melchior.fr/lecture/le-bonheur-paradoxal-essai-sur-la-societe-dhyperconsommation

http://culture.nextmodernity.com/archive/2006/04/07/le-bonheur-paradoxal-essai-sur-la-societe-d-hyperconsommatio.html

https://voir.ca/societe/2006/12/07/gilles-lipovetsky-la-societe-dhyperconsommation/

http://dai.ly/x56lb

http://www.raison-publique.fr/article213.html

http://www.lesechos.fr/18/05/2006/LesEchos/19669-097-ECH_le-bonheur-a-l-ere-des-turbo-consommateurs.htm

https://marketingemotionnel.com/2013/03/25/lachat-plaisir-selon-gilles-lipovetsky/

http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/consommateur-heureux-ou-individu-10405

http://creanum.institut-marc-perrot.fr/blog/2015/04/03/bonheur-de-lhomo-consumericus/

http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Le-bonheur-sous-pression-18017-1.htm

http://www.prodimarques.com/documents/gratuit/64/de-la-regulation-collective-a-larbitrage.php

http://www.agentsdentretiens.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=170:entretien-avec-gilles-lipovetsky-philosophe-et-sociologue&catid=44:politique&Itemid=78

http://www.nicolasbordas.fr/archives_posts/et-si-la-culture-monde-avait-aussi-du-bon

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ce que marque veut dire... de Marie-Claude Sicard

Marie-Claude Sicard , dans son ouvrage intitulé "Ce que marque veut dire..." aborde l'identité de marque comme un ensemble systémique . L'identité de marque, note-elle reprenant une citation de Pierre Tap dans son ouvrage "L'identité" , repose sur "la dialectique du semblable et du différent". De fait, il n'y a d'identité que dans la différence. L'auteure rappelle par ailleurs que l'identité visuelle n'est qu'une des composantes de l'identité de marque, au même titre que le prix, les produits, al publicité, le système de vente et l'ensemble des individus qui l'incarne. Elle interroge le modèle du marketing-mix, dont un quart représenterait la communication alors que, selon elle, tout communique: le produit, le prix, la distribution. "Tout ce que fait une marque est un acte de communication: la conception d'un produit, sa politique de prix et de distribution, la fiabilité de ses services, sa

Le marketing expérientiel, Vers un marketing de la cocréation; de Claire Roederer et Marc Filser

Claire Roederer et Marc Filser nous proposent une petite histoire du marketing expérientiel étoffé d'exemples concrets pour cette deuxième édition de leur ouvrage intitulé "Le marketing expérentiel; Vers un marketing de la cocréation". Quelques bases pour débuter, avec le rappel des origines du marketing dit "traditionnel", comme un modèle issu de l'économie centrée sur la valeur intrinsèque des ressources d'échange, dans une logique de GOOD-DOMINANT, alors que l'économie contemporaine est dominée par les services, eux-mêmes renforcés par la révolution numérique. Dès lors, la logique de SERVICE-DOMINANT est enclin à esquiver le GOOD-DOMINANT, avec pour principes la culture de l'organisation en tant que SOURCE DE CONTROLE et D'INSPIRATION, les pratiques organisationnelles CROSS-FONCTIONNELLES, le souci de produire des SOLUTIONS CLIENTS, mais aussi de gérer la COPRODUCTION avec le consommateur et la COCREATION GLOBALE DE VALEUR. Le market